Santiago Manuin, leader péruvien : « La lutte sociale est mon épouse »

Chapô
Du 22 au 25 mars prochain, se tient à Mocoa, en Colombie, le Forum social panamazonien (FOSPA). Émanation du FSM (Forum social mondial), il réunit les peuples et les mouvements sociaux des neuf pays du bassin amazonien*, dont les partenaires du Secours Catholique, pour réfléchir aux moyens de protéger l’Amazonie. Parmi eux : Santiago Manuin, leader péruvien du peuple Awajun qui travaille avec SAIPE (service agricole pour la recherche et la promotion économique).
À 28 ans, le jeune homme a fait de sa vie un combat. Son but ? Défendre le mode de vie des peuples autochtones mais aussi sauver l’Amazonie. 
Paragraphes de contenu
Texte
Santiago Manuin

« Je suis né en 1992 dans une petite communauté indigène, dans la forêt. De mon enfance, je me souviens de la formation spirituelle avec des plantes hallucinogènes, pour créer une connexion entre le passé, le présent et le futur. Je continue depuis cette pratique une fois par an. Je m’étais juré de ne jamais faire comme mon père, qui était leader autochtone, car petit, je ne le voyais jamais, il était toujours parti. 

Mais Bagua a changé la donne ! En 2009, le peuple Awajun s’est opposé à l’Etat péruvien pour dénoncer la distribution de concessions de terre aux entreprises pétrolières. Les forces de l'ordre ont violemment réprimé le mouvement. Mon père a reçu huit balles. J’ai eu tellement peur pour lui, j’ai pris conscience de l'importance de sa lutte ! J’ai réalisé que je devais prendre le relais, car nous devons défendre notre territoire et promouvoir notre gouvernance autonome au sein de l’État péruvien multiethnique. 

Le modèle économique dominant de l’extractivisme non seulement a des conséquences désastreuses sur l’environnement (rivières polluées, sols contaminés, raréfaction des espèces,…), mais de plus ne profite pas aux peuples autochtones victimes de la pauvreté. On pourrait développer le tourisme à la place du pétrole ! L’État péruvien est comme le singe qui veut sauver le poisson qui tourne en rond dans la rivière et qui, pour cela, le sort de l’eau.

Nous sommes un caillou dans la chaussure de l’État péruvien.

 

Aujourd’hui, avec SAIPE, je lutte pour faire reconnaître le droit à la consultation des peuples autochtones tel que promu par la convention numéro 169 de l’OIT (Organisation internationale du travail), que le Pérou a signée. Nous avons remporté une victoire en 2018, lorsque le tribunal constitutionnel a ordonné la fin de l’extraction pétrolière par les entreprises Maurel & Prom et Perenco, tant que les peuples vivant sur le territoire n’auront pas été consultés. Nous sommes, du coup, un caillou dans la chaussure de l’État péruvien. 

Aujourd’hui, notre environnement se dégrade, les fleuves au bord desquels on vit, soit sont trop secs, soit ils débordent. Pour lutter contre les changements climatiques, le monde a besoin de l’Amazonie. Je veux sauver la planète pour les générations futures ! Ma mère s’inquiète que je ne sois pas encore marié mais la lutte sociale est mon épouse. Et tous les enfants du peuple Awajun sont mes enfants. »
 

* Brésil, Équateur, Venezuela, Bolivie, République coopérative du Guyana, Suriname, Colombie, Pérou, département français de Guyane ​

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Anaïs Pachabézian
Fonction(s)
Photographe
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