Avec Denis, reclus pour se protéger du froid
C’est un pavillon comme tant d’autres dans un lotissement paisible de Coudun, près de Compiègne, dans l’Oise. Des plantations récentes agrémentent la cour. Pourtant, malgré le soleil automnal, la maison a un air d’abandon. La faute aux volets de bois brun élimés et hermétiquement fermés.
La porte d’entrée s’ouvre sur Denis, 65 ans. Un large sourire aux lèvres, il sort accueillir Jacqueline, bénévole au Secours Catholique, qui lui rend visite avant que ne commence le chafield_section[und][2][field_description][und][0][value]"
De lourds rideaux masquent les portes-fenêtres. « Je ne les ouvre jamais car le bois est pourri et les carreaux sont très minces », explique Denis. C’est avec quelques bûches jetées dans une cheminée que Denis réchauffe les trente mètres carrés où il vit reclus. « J’avais une chaudière au fioul, mais je n’ai plus les moyens de la remplir », rapporte-t-il.
Tout l’étage, aménagé sous combles sans isolation, est inoccupé. Une bâche en plastique obstrue l’escalier qui y monte, censée bloquer l’air froid. Denis n’a plus l’eau chaude. Il n’a pas pris de douche depuis des années. L’humidité qui imprègne la maison lui ronge la santé. « Je n’ai jamais été frileux », fait-il remarquer.
Plombier chauffagiste à son compte, Denis, victime d’un accident du travail, a dû arrêter son activité. « J’avais encore les traites de la maison à payer et j’ai dû encaisser un divorce », raconte-t-il. Ces épreuves en cascade l’ont plongé dans une longue dépression. « Vivre dans le noir, sans personne à qui parler, ce n’est pas une vie », confie l’homme qui s’est littéralement renfermé, les volets clos devenant une protection contre le froid mais aussi le monde extérieur. L’une de ses filles passe le voir une fois par mois, et lui fait des courses. Il a aussi une aide ménagère. Et Jacqueline. « Elle m’apporte une amitié que je n’avais plus », sourit Denis.
Une amitié et un soutien moral dans le cadre du projet de rénovation énergétique qui va bientôt lui changer la vie. Denis bénéficie de l’appui du réseau Eco Habitat, une association qui, conjointement avec le Secours Catholique, lutte contre la précarité énergétique en facilitant la rénovation de l’habitat pour les propriétaires très modestes.
Préserver l'autonomie et le lien social
Eco Habitat fait le lien entre les financeurs (principalement l’Agence nationale de l'habitat), les opérateurs (bureaux d’études notamment) et les familles éligibles aux aides à la rénovation thermique. « Nous voulons montrer qu’en neuf mois, on peut réussir à faire que des gens modestes comme Denis bénéficient de travaux durables pour vivre le plus longtemps possible en autonomie chez eux et recréer du lien social », explique Franck Billeau, son fondateur. Denis va ainsi bénéficier pour environ 25 000 euros de travaux : isolation, fenêtres en PVC, ventilation, chaudière à gaz...
Ce sont les équipes du Secours Catholique en Picardie qui repèrent les familles, à l’occasion, souvent, de demandes d’aide répétées pour des factures d’énergie impayées. Elles évaluent leur situation financière, vérifient leur éligibilité aux divers dispositifs d’aide à la rénovation et les accompagnent tout au long du projet. « Nos bénévoles créent un climat de confiance indispensable à la réussite du chantier », explique Guy Nécaille, bénévole du Secours Catholique dans l’Aisne et responsable de la commission précarité énergétique.
Jacqueline
« Je montre à Denis qu’il n’est pas tout seul, je lui redonne confiance, motivation et espoir, estime Jacqueline, qui rend visite à Denis toutes les trois semaines et lui passe un coup de fil le week-end. Je le maintiens dans l’optique que bientôt, il vivra mieux ». Car le montage du dossier est long et le découragement peut poindre. Jacqueline épaule aussi Denis dans certaines démarches administratives, comme le dépôt en mairie de la demande d’autorisation pour la pose des nouvelles fenêtres.
faire entrer la lumière
Dans son jardin envahi par les hautes herbes, où la carcasse d’une piscine témoigne d’un bonheur familial passé, Denis se remémore « les barbecues sur la terrasse, le barnum installé pour fêter les communions » de ses filles. Il ne vendrait cette maison, qui les a vues grandir, pour rien au monde.
Depuis que les travaux sont prévus, Denis a replanté quelques pieds de tomates, lui qui entretenait autrefois un grand potager. « Le jour où je pourrai rouvrir mes volets et fenêtres, la lumière entrera. Je respirerai un grand coup et j’aurai la satisfaction de me dire : ça y est, c’est fait, je vais vivre ! ».