À La Tranche-sur-mer, premières vacances en famille
Chaque année, ils sont une cinquantaine de personnes, accompagnées par le Secours Catholique, à pouvoir partir en vacances dans deux campings de La Tranche-sur-Mer, en Vendée, habilités par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Ces séjours d’une semaine sont préparés avec les participants, avec la participation financière de l'ANCV.
Le soleil est déjà haut dans le ciel clair de ce début d’été quand, au camping Les Préveils de La Tranche-sur-Mer, Fauzia prépare le petit-déjeuner, sans faire de bruit pour ne pas réveiller Myriam, sa fille de 14 ans, qui dort à l’intérieur du mobil-home. « C’est la première fois que nous partons en vacances », dit à mi-voix cette femme algérienne, ancien professeur, arrivée il y a six ans en France avec son mari et sa fille. Tous trois attendent leur régularisation. « Quand le Secours Catholique m’a proposé de partir une semaine au bord de la mer, relate-t-elle, je n’ai pas hésité. »
Comme Fauzia et Myriam, sept autres familles suivies au cours de l’année par le Secours Catholique de Tours séjournent à La Tranche-sur-Mer. Chacune dans un mobil-home qui lui a été réservé. Toutes ont reçu 70 euros en chèques-vacances. « Hier soir, on a profité des chèques-vacances pour acheter des pizzas, indique Myriam. Ici, il y a tout ce qu’on peut désirer en vacances : l’océan, la piscine, une animation tous les soirs, des navettes gratuites vers le centre-ville... » C’est là que nous les retrouvons en plein shopping, cherchant un cadeau à ramener aux amis auxquels on pense et à qui on racontera ces vacances au retour.
Restés au camping, Milad, Wasnaa et leurs trois enfants savourent la douceur de vivre sur la terrasse de leur mobil-home. Ces chrétiens irakiens, qui se parlent en araméen, ont fui le Kurdistan en 2016. Daesh avait brûlé leur maison et les menaçait de mort. « Dur de quitter Karakoch, nos parents, nos amis », confie Milad, le père de famille, qui avait aussi fait la guerre du Kurdistan en 1993. « Nous avons eu la chance d’être acceptés par la France. Le plus dur, ici, c’est d’apprendre la langue. Mais aujourd’hui nous découvrons les vacances. Ce sont les premières de notre vie. »
Après un déjeuner rapide, la famille kurde se lance dans une partie de cartes. Les enfants, qui parlent un français parfait grâce à leur scolarisation, jouent tout en se projetant dans l’avenir. Dani, en troisième dans un collège tourangeau, veut s’engager dans l’armée de terre. Anjeel, la benjamine, veut devenir médecin « pour guérir les gens », ce qui lui attire un sourire de fierté de sa maman. À Tours, la famille subsiste grâce aux petits boulots des parents, pour qui la paix passe avant le reste. « En France, nous nous sentons en sécurité », déclare Milad.
La température est devenue insupportable, même à l’ombre. La piscine toute proche est une merveille pour Milad, Wasnaa et leurs enfants. « Moi, je préfère la piscine à la mer, dit la jeune Anjeel. Ici, on peut nager. Et il y a des jeux, des toboggans, des bouées... » Même s’ils ne savent pas nager, les parents d’Anjeel se régalent et se comportent comme leurs adolescents facétieux et rieurs, découvrant les plaisirs de l’eau. Wasna, maman kurde, goûte un repos peu commun dans son pays.
Une autre famille irakienne apprécie les animations du camping. Elle aussi part pour la première fois en vacances, et elle compte également cinq personnes : Yasir, May et leurs trois fils, Yahya, Zyad et Elyas (15, 13 et 5 ans). Tandis que Yasir et Yahya font une partie de ping-pong, May surveille Elyas dans sa tentative d’escalade. Pour eux également, cette semaine à La Tranche-sur-Mer est une respiration et une découverte. « C’est la première fois que nous voyons la mer », confie May avec émotion.
May est ingénieur en climatisation, Yasir en aéronautique. La famille habitait Bagdad, qu’elle a fui en 2018 « parce que nous sommes sabéens*», dit May. « L’ambassade de France nous a offert l’asile. Mais nous n’avons pas de travail. Nous voulons travailler, nous cherchons activement. »
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* Le sabéisme, branche judéo-chrétienne persécutée, ne compte plus aujourd’hui qu’un millier de membres dans le monde, principalement à Tours.
«Nous préférons aller à la mer quand il y a moins de monde », explique Yasir avant d’entraîner sa famille à la plage toute proche. Le soleil est aussi plus supportable. Yasir joue au ballon avec ses deux aînés avant d’aller tous trois rejoindre May et Elyas dans l’eau. Ensuite ils construiront un château de sable, joueront encore au ballon, se baigneront de nouveau avant de rentrer au camping pour passer une soirée détendue en sachant que demain ils recommenceront.