« Sauver la planète tout en tendant vers l’équité et la justice, c'est possible »

Chapô
Dans le sillage du Pape François qui pointe qu'« il n'y a pas deux crises séparées, l'une environnementale et l'autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale », le Secours Catholique lance un programme de mise en place d’une « transition écologique juste » avec le cofinancement de l’Agence française de développement (AFD) dans 18 pays du monde. Ce programme s'inscrit dans le cadre d’une convention de partenariat pluriannuel (CPP).

Éclairage sur les enjeux d'un changement de paradigme avec Moussa Sawa, chargé de programme à Cadev (Caritas Développement Niger) de Maradi, au Niger, impliqué dans cette CPP.
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Texte

Moussa SawaMoussa Sawa, chargé de programme à CADEV de Maradi (Niger)

 

Cécile Leclerc-Laurent : En quoi peut-on dire qu’il y a une seule crise socio-environnementale au Niger ? Les plus pauvres sont-ils les plus touchés par les changements climatiques ?

Moussa Sawa : Notre économie est basée sur l’élevage et l’agriculture. Les plus pauvres n’ont que cela pour vivre. Or, les changements climatiques ont des conséquences sur l’agriculture. Aujourd’hui, on constate que la saison des pluies raccourcit : elle durait de quatre à cinq mois auparavant, contre trois mois aujourd’hui. Le désert avance et les terres sont de plus en plus dégradées à cause des vents qui amènent les sables. Tout cela empêche les cultures de se développer.

S’ajoute à cette crise climatique une crise sécuritaire au Niger avec les djihadistes de Boko Haram, d’Al Qaïda ou de l’État islamique qui poussent les gens à quitter leurs domiciles et leurs champs.

Plus de 4 millions de Nigériens sont dans une situation d’insécurité alimentaire.


De plus, la démographie est galopante au Niger : il y a de plus en plus de bouches à nourrir et c’est difficile, car parallèlement les terres cultivables diminuent pour céder la place à des habitations.

Aujourd’hui, la terre n’arrive donc plus à nourrir les populations. Comparée à 2020, la production agricole de 2021 a connu une baisse de 34%. Conséquence : selon le gouvernement, plus de 4 millions de Nigériens sont dans une situation d’insécurité alimentaire. La crise est donc aussi sociale.

C.L.-L. : Quelle serait la solution à cette crise socio-environnementale ?

M.S. : L’urgence est là : il faut une révolution fraternelle, participative et mondiale. Que les pays se donnent la main et regardent dans la même direction : sauver la planète tout en tendant vers l’équité et la justice. Au sein du programme "Transition Ecologique Juste", nous pensons que cela est possible et doit nécessairement passer par une implication des communautés à toutes les étapes du processus. Il y a un proverbe chez nous qui dit : « Tout ce que tu fais pour moi sans moi, tu le fais contre moi. » Il faut écouter les communautés les plus pauvres et réfléchir avec elles.

depuis des années, nous accompagnons les communautés vers une agriculture respectueuse de l'environnement.


À la Cadev Niger, nous le faisons depuis des années, par la promotion de la démarche participative : nous accompagnons les communautés pour mettre en place une agriculture écologique résiliente et respectueuse de l’environnement. Cela passe par l’arrêt de l’utilisation des intrants chimiques comme les engrais et les produits phytosanitaires. Cela passe aussi par du reboisement et par des semences paysannes productives à cycle court pour faire face à la réduction de la saison des pluies. Cela passe encore par des techniques de récupération et de mise en valeur des terres dégradées, telles que la confection des demi-lunes (NDRL : technique de conservation des eaux et des sols) ou des cordons pierreux. Et enfin cela passe par une diversification des cultures et par les techniques de rotation pour éviter l’épuisement des sols. Tout cela permet à la fois de protéger l’environnement et de nourrir les paysans car nous observons une augmentation du rendement des cultures.

Des femmes paysannes en Afrique

C.L.-L.: Que faut-il d’autre pour amorcer une « transition écologique juste » ?

M.S.: Il faut une implication des politiques. Des politiques agricoles sont nécessaires, qui accompagnent nos efforts. Par exemple, une mesure qui réduise voire qui interdise l’utilisation d’intrants chimiques. Il faut aussi un changement de comportements à tous les niveaux.

Dans le cadre de ce programme, nous avons prévu des campagnes de sensibilisation et de plaidoyer pour interpeler les autorités et les communautés. Si nous continuons sur le modèle agricole actuel nous allons de plus en plus souffrir. Il faut un changement de mentalité. Et nous avons besoin pour cela de l’accompagnement des États.

Aujourd’hui, les problèmes sociaux et environnementaux sont mondiaux. On retrouve les mêmes défis en Afrique, en Amérique ou en Asie : l’insécurité alimentaire, le problème de la préservation de l’environnement et de l’accaparement des terres. C’est pour cela que le programme "Transition Ecologique Juste" est global : nous profitons de l’expérience des autres pays pour échanger des idées et des bonnes pratiques. Ensemble, à l’échelle locale mais aussi globale, nous pouvons amorcer une transition écologique juste.

Lisez cet article pour en savoir plus sur le programme sur la transition écologique juste.

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Elodie Perriot et Xavier Schwebel
Fonction(s)
Photographes
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