Dans l’Hérault, un réveillon qui rassemble
Une odeur de croissant chaud se répand dans la cour de la Halte Solidarité de Montpellier. Les dernières viennoiseries sortent du four tandis qu’on accroche la banderole. En cette veille de réveillon de Noël, cet accueil de jour qui regroupe trois associations, dont le Secours Catholique, s’apprête à ouvrir ses portes à près de 150 personnes sans-abri pour une matinée festive et conviviale. Au programme : petit-déjeuner, karaoké, projection de films et distribution de sacs FraterNoël. « Le but, c’est de redonner un peu de chaleur et d’importance à chacun » indique Chantal, bénévole pour le Secours Catholique depuis 19 ans.
Édouard et Johanna arrivent parmi les premiers. Tous deux sont amis depuis plusieurs années et se rendent régulièrement à la Halte. « Je n’aime pas être seul. Ce n’est pas vraiment pour manger que je viens, mais pour le relationnel », confie Édouard, qui vit dehors depuis une dizaine d’années. Face à lui, Johanna plaisante avec Vincent, bénévole, qui ne parvient pas à faire fonctionner les enceintes pour la musique : « Pas génial le DJ ! » lui lance-t-elle en souriant. Depuis qu’elle est sortie de prison il y a dix ans, Johanna vit sous une tente avec son petit-ami et ses chiens. Elle apprécie les attentions des bénévoles en cette période de fêtes : « Je les remercie pour tout ce qu’ils font, témoigne-t-elle. Même nous qui n’avons pas beaucoup de sous, nous avons droit à un petit Noël. » La musique rétablie, les deux amis esquissent quelques pas de danse.
La distribution des sacs FraterNoël débute. Carine, la cinquantaine, récupère le sien. À l’intérieur, elle y trouve quelques boîtes de conserve, des chocolats, une écharpe, des produits d’hygiène et une lettre écrite par les enfants de l’école Sainte-Thérèse située à Lunel. Après s’être retrouvée à la rue il y a trois mois, Carine est hébergée par le 115 depuis peu. Elle est émue par cette attention : « Tous ces cadeaux me font plaisir, confie-t-elle. Mais la lettre me touche encore plus ! ».
Christian, 74 ans, est venu de Bédarieux, une commune située à 75 kilomètres de Montpellier. Là-bas, il habite seul dans un logement depuis février 2021. Avant cela, il a vécu dans la rue pendant plusieurs années. « J’ai d’abord dormi dans ma voiture, une 4L avec les phares jaunes, se souvient-il. Puis sous une tente ». Ce matin, après deux heures de bus, Christian a découvert la Halte par hasard, sur son chemin vers la médiathèque où il se rend pour lire les informations. « Ce n’était pas prévu, confie-t-il. C’est un enchantement ! »
Le soleil dispense quelques rayons tandis qu’une chanson d’Elvis Presley retentit. Roxanne et Flora en profitent pour danser le rock. Ces deux sœurs habitent dans un camping-car sur un terrain qui leur appartient, aux abords de la ville. Leurs petites pensions de retraite ne leur assurent qu’un faible revenu mensuel. « La distribution de sacs nous rend service, confie Flora. Surtout les produits d’hygiène car cela coûte cher ». Au-delà de ces quelques dons, c’est surtout la convivialité du moment que ces deux inséparables sont venues chercher. « On vit seules, mais à deux, rigole Flora. Alors ça nous fait du bien de voir des gens. Venir ici, ça rompt la solitude. »
Cet après-midi, dans la ville de Lunel, à quelques kilomètres de Montpellier, les équipes du Secours Catholique organisent un goûter de Noël pour les familles et les personnes précaires et isolées. Une soixantaine de convives sont présents au rendez-vous, dans une grande salle mise à disposition par la mairie. La plupart sont des habitués de la boutique solidaire qui se tient en ville et où Rose-Marie est bénévole. C’est elle qui a fait les invitations. « Cela fait vingt ans que je suis au Secours, alors je les connais tous ! argue-t-elle. C’est la période de l’année où l’on ressent le plus la solitude. Le but de ce goûter, c’est de se tenir compagnie ! »
Jean-François et Isabelle sont parents de trois filles : Alyssia, Clarisse et Lylou, la petite dernière de 4 mois. Leurs grands-parents sont également présents. Toute la famille se rend régulièrement à la boutique solidaire de Lunel. « Rose-Marie nous a invités », explique Jean-François, entre deux rigolades avec ses filles. D’abord ambulancier, puis auxiliaire de vie, ce papa d’une cinquantaine d’années a cumulé les expériences professionnelles avant de se retrouver au chômage il y a trois mois. Il est actuellement en recherche d’emploi. « Aujourd’hui, l’objectif est de passer un bon moment » confie-t-il.
Jelena est venue avec Matteo, son fils de 18 mois, et sa fille Emma, 3 ans. Cette jeune maman est arrivée de Serbie avec son mari en 2017. Le couple a connu le Secours Catholique par l’intermédiaire de la boutique solidaire. « On y allait pour trouver des vêtements pour les petits, mais aussi pour être écoutés, confie Jelena. Notre famille est loin et on se sentait seuls. » Pour elle et ses enfants, ce goûter représente beaucoup. « La fin de l’année, c’est toujours difficile car on repense à la famille. Alors venir ici, ça remonte le moral. »
Les bénévoles remettent des sacs FraterNoël à tous les convives ainsi que des jouets aux enfants. Latifa regarde la scène avec tendresse. « C’est gentil, tout le monde a droit à un cadeau », observe-t-elle. À 58 ans, cette ancienne auxiliaire de vie a perdu son travail il y a trois mois. « Mon allocation chômage est minime et j’ai du mal à payer mes factures et rembourser mes dettes », confie-t-elle. Latifa à un fils mais il est grand et habite à Paris. Ce réveillon, elle le passera seule. Le goûter lui permet de se sentir moins isolée : « Ça me fait du bien de voir des gens. »
« Je suis très heureuse car l’ambiance était vraiment festive », sourit Rose-Marie. Cette journée FraterNoël touche à sa fin. Après quelques embrassades, les convives remercient chaleureusement les bénévoles, tandis que continuent de retentir les éclats de rire des enfants.